La renaissance d’une maison d’ouvrier

5 mars 2020

LA RENAISSANCE D’UNE MAISON D’OUVRIER
Éric Martineau

J’ai acheté le 1 rue Barras à Lévis en septembre 2006. J’avais alors 24 ans, des moyens limités, peu d’expérience en rénovation mais, puisque j’avais toujours voulu ha­biter une maison ancienne, elle était parfaite pour moi en dépit de ses défauts et de son mauvais état. Si le projet m’avait semblé facile, il aurait perdu tout intérêt pour moi. Il y a quelque chose d’émouvant à redonner vie à un bâtiment malmené et défiguré au cours des années.

Cette maison d’ouvrier en a vu de toutes les couleurs au cours de son histoire. Une première maison apparaît sur le site vers 1864, probablement une petite maison en carré de madriers avec un toit à deux versants à la québécoise comme il en subsiste quelques exemples ailleurs dans le quartier. Cette mai­son est disparue à la suite d’un incendie majeur survenu en septembre 1877 qui a détruit cinq maisons et en a endommagé deux autres.

La maison actuelle a été construite dans les années qui ont suivi dans le style en vogue à l’époque, le Second Empire. La courbe gracieuse du brisis et les lucarnes cintrées témoignent du talent des menuisiers et des charpentiers navals qui ont construit et habité la maison jusqu’en 1967. Il subsiste d’ailleurs plusieurs exemples à Lévis et Lauzon de maisons semblables, avec exactement les mêmes lucarnes, probablement toutes exécutées dans le même atelier de menuiserie. Divisée en deux logements en 1967, elle a subi toutes sortes d’interventions malhabiles. Elle a graduellement perdu ses lucarnes cintrées, ses fenêtres, ses finis intérieurs, sa cheminée pour se retrouver, lorsque je l’ai achetée, recouverte de vinyle rose et affublée d’un horrible balcon au 2e étage.

Grâce à mon père, lui aussi passionné d’architecture ancienne (d’ailleurs, je tiens à le remercier d’avoir allumé cette passion en moi), j’ai reconstruit au cours des étés suivants les quatre murs et la toiture. Il fallait dégarnir, jusqu’à la structure, une charpente composite très peu commune: carré de madrier pour la partie hors-sol des fondations, balloon-frame primitif pour le rez-de-chaussée, charpente du toit en madriers 3″ assemblés à mi-bois cloués. Le tout recouvert de planches intérieur-extérieur rempli de sciure. Cette struc­ture avait très mal vieilli, car pas assez contreventée et attaquée par la pourri­ture à de nombreux endroits. J’ai donc effectué les réparations et renforts qui s’imposaient avant de m’attaquer à la finition.

Disons que je n’ai pas chômé pendant les années qui ont suivi… J’ai pas­sé mes hivers à fabriquer portes, fenêtres, moulures qui seraient nécessaires pour les travaux de l’été suivant. L’intérieur de la maison s’est restauré un peu de la même manière, par étapes. Le projet a été véritablement terminé à l’au­tomne 2015, neuf ans plus tard. Notre fille Béatrice est née en septembre ; la maison était alors promise à un nouveau propriétaire tombé sous son charme.

Nous avons quitté notre première maison le 6 janvier 2016 pour commencer un nouveau projet, une maison de pierre du milieu 19e siècle dans la ville de Château-Richer. Et ça, c’est une tout autre histoire…


Article tiré de La Lucarne – Printemps 2020 (Vol XLI, numéro 2).

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