De skieur de fond à ébéniste, une entrevue avec Guy Métayer - APMAQ (Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec)

De skieur de fond à ébéniste, une entrevue avec Guy Métayer

24 août 2020

De Louis Patenaude

Comment êtes-vous devenu ébéniste ?

Un de mes premiers contrats, le dessus de la table circulaire Trillium en cerisier. Conception graphique de Louise Blais, designer.Un grand-père charpentier, un père bricoleur amenèrent tout naturellement l’enfant que j’étais à s’intéresser au bois. Puis, plus tard, quand j’ai rencontré Anne, ma future conjointe, fille d’Austin Reed lequel est bien connu à l’APMAQ (1), j’ai compris et apprécié ce qu’était une maison ancienne bien restaurée. Très tôt, nous avons voulu posséder notre propre maison ancienne. Celle qui a retenu notre attention était, aux dires de plusieurs, une demi-ruine ; même Austin a exprimé des réserves tout en nous encourageant. Nous nous sommes donc lancés dans l’aventure et avons acheté la maison Côté, située à Saint-Ferréol, dont la construction remonte à 1840. Si mes antécédents familiaux me préparaient à un tel projet, ce n’était pas le cas de ma formation professionnelle puisque j’étais diplômé de l’Université Laval en éducation physique et en activité physique et que je pratiquais le métier d’entraîneur d’élite en ski de fond.

Fenêtres à plusieurs carreaux d’un des bâtiments accessoires du manoir de Charleville situé à Boischatel, près de Québec.Porte d’un des bâtiments accessoires du manoir.En 1994, j’ai abandonné pour un temps le « coaching » en ski de fond suite à la naissance du premier de nos trois enfants. Le projet d’acquisition et de restauration de la maison (1993-1994) a fait germer le projet de devenir ébéniste. Avec trois enfants, c’est en 2004 que la fenêtre s’ouvre pour que je m’inscrive au Centre de formation professionnelle de Neufchâtel où je me suis formé en ébénisterie sous la direction entre autres d’Alain Lachance (2). À l’issue du cours de deux ans, j’ai partagé mon temps entre le ski et l’ébénisterie pour diminuer grandement le métier d’entraîneur de ski l’an dernier. C’est ainsi que j’ai réorienté ma carrière et que je suis devenu majoritairement ébéniste.

D’où vous vient votre reconnaissance professionnelle ?

Je suis détenteur du diplôme du Centre de Neufchâtel et ayant soumis mon dossier au Conseil des métiers d’art du Québec, je suis en attente d’une reconnaissance de leur part.

Comment avez-vous entrepris la restauration de votre maison ?

Le buffet deux corps.En mauvais état, la maison l’était assurément mais, malgré cela, elle était classée depuis 1965 et avait été abandonnée jusqu’à notre acquisition en 1993. Elle servait alors de hangar agricole. Le classement impose, comme on le sait, des obligations et des procédures mais procure des d’avantages ; c’est ainsi que nous avons bénéficié d’une aide précieuse de la part du ministère de la Culture et des Communications.

Je voudrais également mentionner l’aide de l’architecte renommé, Pierre Cantin, qui a travaillé à la restauration de place Royale de Québec https://archivescanada.accesstomemory.ca/fonds-pierre-cantin-architecte, et que nous avons embauché pour refaire des plans de la maison. Alain Lachance a accepté le contrat des escaliers et des fenêtres alors qu’il exerçait avec Sylvain Dufour dans leur atelier de Québec. Nous avons fait appel à un artisan local, l’infatigable charpentier-menuisier, Roland Drouin, pour nous accompagner au cours de l’ensemble des travaux de restauration de la maison.

Ce fut un travail colossal et sans relâche qui dura plus de six mois avant qu’on puisse habiter la maison. Ce n’est que tout juste à la fin de la restauration que naîtra Thomas, notre premier enfant. En six mois, entre 1993-1994, soit une durée de plus ou moins six mois, la demi-ruine, était devenue une maison habitable.

Quel genre de travail faites-vous présentement ?

Lors de mes premières années, j’ai travaillé à la fabrication de meubles et à la restauration de meubles anciens pour passer ensuite aux portes et aux fenêtres anciennes ; c’est toujours mon activité principale que j’effectue en appliquant les techniques des artisans d’autrefois. Récemment, je me suis intéressé aux meubles anciens qui demandent à être rembourrés comme ils l’étaient autrefois. J’ai recours à l’occasion, pour fabriquer des moulures, à certains de mes rabots anciens dont je possède une collection. Les essences de bois que je préfère travailler sont le pin blanc et le noyer noir. Mon premier contrat, collaborateur ébéniste à une table Trillium en cerisier, où il fallait conjuguer un plateau de forme arrondie et des tiroirs cintrés, arrondis et inclinés à la fois.  Un travail complexe pour un « rookie » (3) sortant de l’école. Il fallait créer une façon de faire dans ce projet. Ce fut une expérience très formatrice. Je travaille présentement sur des projets de fabrication et de restauration de fenêtres sur des maisons ancestrales de la côte de Beaupré et de la ville de Québec.

Qu’en est-il de la demande et comment envisagez-vous la relève et l’avenir du métier ?

Une fois qu’on détient le diplôme on peut créer son propre atelier ou travailler pour un artisan déjà établi. La création d’un atelier est exigeante financièrement car il faut se procurer l’outillage et les jeunes diplômés ont rarement les fonds requis. La demande est là mais elle se fait par la vieille méthode du « bouche à oreille » alors que les fabricants d’éléments contemporains (portes, fenêtres et autres) peuvent se permettre une publicité fort efficace.

L’éducation à la conservation des éléments architecturaux auprès des propriétaires est essentielle. Beaucoup de gens ne savent pas que leurs portes et leurs fenêtres anciennes, par exemple, peuvent être restaurées. C’est pourquoi il importe de poursuivre les efforts de communication en matière de sauvegarde patrimoniale. Le ministère, les MRC et les municipalités ont un rôle à jouer. Ils peuvent intervenir en aidant les propriétaires à conserver les éléments essentiels de leurs bâtiments, en attribuant une aide professionnelle et monétaires à la réalisation de travaux de conservation. Il faut sensibiliser les architectes, à la valeur de la conservation des éléments architecturaux traditionnels. Faire appel à des ébénistes sur leurs chantiers, c’est assurer la relève et la compétence dans le traitement des éléments patrimoniaux du Québec. C’est pour cette dernière raison que je ne fais pas d’installation. Mon travail s’effectue principalement en atelier et, une fois le travail achevé, l’installation est faite par une main d’œuvre licenciée.

Pour ce qui est de l’avenir, il y a des possibilités mais il y a des barrières à lever ; c’est ce à quoi s’emploie le Conseil des métiers d’art du Québec.

1.  Prix Thérèse-Romer 2008
2.  Prix Robert-Lionel-Séguin 2015
3.  Rookie = un apprenti


Article tiré de La Lucarne – Automne 2020 (Vol XLI, numéro 4).

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