La maison Shoebox, cette petite mal-aimée

La maison Shoebox, cette petite mal-aimée

20 juillet 2018

Gabriel Deschambault architecte et urbaniste, Prix Robert-Lionel-Séguin 2011

Depuis quelque temps, plusieurs personnes s’inquiètent de la disparition de ces petites maisonnettes dans différents quartiers de Montréal. Les défenseurs du patrimoine militent pour sa conservation alors que développeurs ou promoteurs y voient une opportunité de la remplacer par une structure « plus rentable ».

Dans un récent dossier de demande de démolition d’une Shoebox du quartier Rosemont-Petite-Patrie, l’APMAQ a signifié, auprès de l’arrondissement, son inquiétude face à la multiplication récente de ces demandes. Cette lente disparition d’une typologie résidentielle si caractéristique doit faire l’objet d’une analyse sérieuse et notre association souhaitait joindre sa voix en appuyant les nombreuses demandes pour la mise en place d’un moratoire dans l’attente d’une position éclairée.

UNE ARCHITECTURE CARACTÉRISTIQUE

5974 avenue Louis-Hébert, 1925 ©Musée McCord, N-0000.68.1La photo qui accompagne cet article nous montre une petite Shoebox du quartier Rosemont qui fait étalage de ses composantes architecturales typiques. La construction n’a qu’un seul étage et c’est justement ce volume réduit qui lui a valu son surnom de Shoebox. Les ouvertures de la façade sont typiques de ces petites résidences : une porte centrale flanquée de deux fenêtres assez généreuses.

Souvent, on retrouve une importante galerie couverte avec colonnade de bois. La galerie demeure encore un élément « obligé » pour donner du caractère à la façade. La structure de la maison est composée de madriers superposés (souvent appelée « carré de madriers »). Un revêtement de briques vient habiller le tout avec élégance en incorporant des éléments décoratifs en pierre artificielle. Plusieurs de ces maisons sont construites dans les années 1920-30 et on ne sera pas étonné d’y retrouver une maçonnerie caractéristique de cette période. Une brique d’argile brun sombre, souvent à motif « peigné » et surtout avec un appareillage à joints creux, typique de cette époque.

Le décor est complété par un couronnement relativement sobre avec un fronton central et des « épis » de ferblanterie qui viennent offrir une fantaisie et un accrochage plus harmonieux de la façade avec le ciel.

Le bâtiment est implanté sur la ligne mitoyenne à gauche et se garde un passage latéral afin d’éviter une future contiguïté. Nous n’avons pas d’informations quant au recul qui pouvait être exigé ( ni même si une réglementation quelconque d’urbanisme existait pour ce secteur au moment de la construction).

En fait, l’expression architecturale de cette petite maison a la même qualité générale que les milliers de triplex construits à la même période. Simplement que les propriétaires voulaient une unifamiliale et être seuls chez eux.

FOLKLORE ET LÉGENDES URBAINES

5974 avenue Louis-Hébert, 2018 ©Luc CharronOn attribue plusieurs histoires à ces petites structures. Probablement que certaines sont véridiques, mais chose certaine, une analyse exhaustive du « phénomène » apportera des réponses à ces questions. Ainsi, on parle souvent d’autoconstruction, mettant en place des matériaux de fortunes glanés à gauche ou à droite; ou encore d’implantations en fond de lot afin de pallier au plus pressé pour se loger et ainsi conserver la partie avant du terrain pour une construction plus « noble » au moment opportun.

C’est justement la diversité de ces implantations qui fait en sorte, aujourd’hui, de porter ombrage à ces petites maisons. Les exemples sont nombreux où on retrouve une Shoebox installée en fond de lot et bordée de part et d’autre de hauts triplex. C’est aussi parfois les nombreuses modifications désastreuses apportées par des propriétaires insensibles à une expression architecturale de qualité. Cela devient souvent sans intérêt et indéfendable. Tous les Shoebox ne doivent pas obligatoirement faire l’objet d’une protection; mais tous les « individus » intéressants devraient être conservés. Pour une famille, dont c’est la façon d’accéder à la propriété urbaine, il demeure toujours possible d’agrandir ces petites structures en posant des gestes architecturaux respectueux.


Article tiré de La Lucarne – Été 2018 (Vol XXXIX, numéro 3).

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