Le patrimoine agricole actuel : chant du cygne ou promesse d’avenir?

Le patrimoine agricole actuel : chant du cygne ou promesse d’avenir?

16 octobre 2015

Restauration d’une remise de ferme de la fin XVIIIe siècle à Île d’Orléans transformé en atelier/galerie d’art. Photo : Arthur Plumpton.Il est facile, hélas, d’observer la lente disparition du patrimoine agricole dans nos paysages ruraux. À moins que ces bâtiments en bois, grandement délabrés, ne soient restaurés et réhabilités dans un avenir rapproché; il sera de plus en plus difficile, alors que l’agriculture est en mutation, de trouver la motivation nécessaire à la conservation de cette ressource identitaire importante pour le Québec. Notre génération, ainsi que celle qui suit, sauront-elles réagir à temps pour assurer la pérennité d’un patrimoine rural québécois vieux de 400 ans?

Malgré tout, il n’est pas trop tard pour procéder de manière dynamique à l’identification et à la mise en valeur de plusieurs bâtiments agricoles anciens dont l’architecture vernaculaire habite notre mémoire collective tout autant que les bâtiments patrimoniaux urbains.

Grange longue québécoise du milieu-fin XIXe siècle, transformé en porcherie. Photo : Arthur Plumpton.À ce jour, plusieurs centaines de bâtiments agricoles anciens ont été répertoriés au Québec par le gouvernement, les MRC ou les municipalités mais il est illusoire de penser que les classifications seules assureront leur protection en toutes circonstances.

L’architecture est le miroir d’un peuple. Elle témoigne de ses origines, de ses valeurs et de son vécu. En Ontario, de vieilles granges multifonctionnelles à deux étages dites « allemandes » et des granges bien conservées de style « basilique » témoignent de la présence de nouveaux arrivants de Bavière, de Suisse, d’Angleterre et des Pays-Bas.

Au Québec, du début de la colonie jusqu’au milieu du XIXe siècle, les granges en bois adaptées des modèles français se sont beaucoup transformées avant d’adopter la forme unique et élégante de la grange longue québécoise avec toit à deux versants, abritant de multiples fonctions agricoles ; elles sont uniques en Amérique du Nord. Malgré l’importance de ce patrimoine, il est décevant de constater qu’il n’y a qu’un seul bâtiment du genre, situé en Charlevoix, présentement classé par le gouvernement du Québec comme monument historique.

Défis et suggestions pour motiver la mise en valeur et réaliser des meilleurs lendemains du patrimoine agricole.

Une épicerie moderne munie de charpente traditionnelle fermes-pannes et parements en bois – un modèle d’intervention pour les nouveaux bâtiments de ferme? Photo grâce à Nordic Structures, Stéfane Groleau.Quoi faire comme amis du patrimoine agricole pour favoriser et assurer la mise en valeur de cette ressource-clé et pour conserver l’esprit des lieux ruraux? Voici cinq approches qui pourraient être mises en œuvre:

  1. On pourrait exiger du MCCQ1 et de nos élus municipaux que les Plans de conservation des sites patrimoniaux en régions rurales tiennent davantage compte du patrimoine agricole bâti et des paysages culturels qui ont façonné le territoire. Les citoyens et les élus peuvent entreprendre des activités visant à identifier des bâtiments qui méritent d’être restaurés, conservés et mis en valeur. On ne peut pas les sauver tous, certes, mais à la suite d’une sélection d’interventions souhaitables, l’aide financière du gouvernement pourrait être sollicitée, les citoyens pourraient collaborer avec les propriétaires et contribuer à quelques restaurations et réhabilitations de bâtiments.
  2. On pourrait mieux sensibiliser les MRC des régions agricoles, le MAPAQ2, le CPTAQ3 et l’UPA4 à l’importance de se concerter et d’entreprendre des actions incitatives coordonnées afin de protéger et de valoriser une partie importante du patrimoine agricole; on favoriserait ainsi la réhabilitation de certains bâtiments par les agriculteurs eux-mêmes ou par la communauté. Nous nous proposons, à la lumière de vos commentaires, de développer ces deux approches dans un futur numéro de La Lucarne.
  3. Troisièmement, à l’instar des MRC de Coaticook, de Saint-Hyacinthe et de l’Île d’Orléans, on devrait encourager davantage la restauration des bâtiments agricoles patrimoniaux par l’attribution de prix et par l’octroi de subventions (MRC-MCCQ). De 1990 à 2014, les propriétaires de 13 bâtiments agricoles ont reçu des prix de patrimoine de la MRC de l’Île d’Orléans. En décembre 2014, j’ai analysé, avec le concours de plusieurs des propriétaires, l’état des restaurations et l’attribution de nouvelles fonctions aux bâtiments. Découvrez le tableau ci-dessous décrivant ces résultats encourageants, même pour une petite fraction de ces bâtiments.
  1. On pourrait aussi créer des ateliers et organiser des séances de communication sur les meilleures techniques de restauration et de rénovation à l’intention des agriculteurs et des autres propriétaires de bâtiments agricoles. Il est important d’intervenir assez tôt, avant que la dégradation ne soit trop importante. De simples mesures comme le dégagement des sablières de base, des parois inférieures du sol et l’utilisation des meilleurs enduits de protection pourraient être appliquées. Un futur article présentera des exemples d’interventions prometteuses.
  2. En cinquième lieu, je crois, depuis quelque temps, qu’une approche en vue de la mise en valeur du patrimoine paysager pourrait consister à intégrer des éléments de l’architecture agricole traditionnelle dans la conception et la construction de nouveaux bâtiments. Le secteur de l’alimentation nous en donne un bel exemple avec la nouvelle épicerie IGA, à Boischâtel, sur la côte de Beaupré, dont la charpente, la forme et les matériaux (majoritairement en bois) perpétuent quelques traditions toujours durables de l’architecture  patrimoniale. Le potentiel de cette approche est le sujet d’une étude et d’une communication futures.

 

Vos suggestions et idées quant à de meilleurs lendemains pour notre patrimoine rural sont les bienvenues. Arthur Plumpton : aplumpton@sympatico.ca

Arthur Plumpton, ingénieur en chimie métallurgique et résidant de l’Ïle d’Orléans depuis de nombreuses années

Tableau intitulé Étude sur la pérennité et la nature des réhabilitations de quelques bâtiments agricoles restaurés et primés à l’Île d’Orléans:

[1] Ministère de la Culture et des Communications du QuébecÉtat des bâtiments agricoles restaurés et réhabilités à l’Île d’Orléans (Bâtiments primés par le Prix de l’Île, 1990-2014) – recherche du groupe patrimoine GRCAPV), Décembre 2014 impliquant des visites sur les lieux et/ou des discussions avec les propriétaires

[2] Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec

[3] Commission de protection du territoire agricole du Québec

[4] Union des Producteurs Agricoles du Québec


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