Depuis novembre 2020, le domaine seigneurial de Mascouche est un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre, autant localement, régionalement que nationalement, en raison de la démolition de l’ancien manoir seigneurial. Dans le texte qui suit, la Société d’histoire de Mascouche fait le point sur l’historique et l’avenir des deux bâtiments toujours présents sur le domaine : le moulin et la maison du meunier.
Le 16 novembre 2020, l’ancien manoir seigneurial de Mascouche tombait sous l’impact de la pelle mécanique. Inoccupé depuis 2008 et ayant subi plusieurs épisodes de vandalisme, ce manoir seigneurial, construit vers 1795, s’ajoute à la liste des joyaux de notre patrimoine aujourd’hui disparus. À qui la faute ? Ce billet n’a nullement pour but de faire le procès de quiconque. Il a plutôt pour objectif de mettre en lumière l’ancien moulin à farine et la maison du meunier qui ont survécu aux ravages du temps et qui font également partie des bâtiments de l’ensemble seigneurial. Situés à quelques mètres de l’ancien manoir, le moulin et la maison du meunier sont deux constructions de pierre contiguës. Le moulin est un bâtiment de plan rectangulaire doté de quatre niveaux d’occupation encore accessibles : rez-de-chaussée, étage et deux étages de combles. Le barrage adjacent et toujours présent atteste de sa fonction d’origine. La maison du meunier, quant à elle, est un édifice en pierre au toit à deux versants droits, de conception très simple. Trois niveaux d’occupation la caractérisent : rez-de-chaussée, étage et étage de combles. L’intérieur, en attente de rénovation, est complètement vide et l’ensemble des cloisons est en cours de réfection ; de ce fait, il ne subsiste plus trace de sa fonction d’origine.
On sait qu’un premier moulin à scie est construit par Pierre Le Gardeur de Repentigny II, entre 1751 et 1755, mais ce n’est qu’en 1766 que le seigneur Gabriel Christie fait ajouter au domaine seigneurial de Mascouche, un moulin à farine mû par l’eau. Un bâtiment en pierre, mentionné dans un acte de vente de 1765, pourrait correspondre à l’actuelle maison du meunier. Entre 1774 et 1785, le moulin présente un mauvais état physique et fait l’objet d’une restauration ou d’une reconstruction. Un plan de 1830 confirme la présence du moulin nommé « moulin du rapide ». Les frères Corbeil, propriétaires du site à compter de 1881, réaménagent le moulin et la maison du meunier ; à cette époque, le moulin sert encore à la mouture de la farine et une annexe, aujourd’hui disparue, héberge les équipements nécessaires à un moulin à scie.
En 1930, le moulin est remis à neuf et perd sa fonction d’origine en devenant essentiellement un lieu d’entreposage du matériel nécessaire à l’entretien de l’ancien domaine seigneurial. En 1954, la communauté des Frères de Saint-Gabriel achète les bâtiments pour y loger le Manoir Notre-Dame et, en 1970, la Commission scolaire Duvernay loue les bâtiments afin d’y instaurer l’École Le Manoir ; le moulin servait alors de conciergerie. Vers 1997, il est dépouillé de ses roues et de ses engrenages et la maison du meunier est vidée pour faire place à la cafétéria de l’École secondaire Le Manoir. La Commission scolaire quitte les lieux en 2000 et plusieurs propriétaires et locataires s’y succèdent. Le moulin et la maison du meunier sont inoccupés de 2008 à 2015 et subissent plusieurs épisodes de vandalisme. En 2015, la Ville de Mascouche achète les bâtiments dans le but d’y créer un parc récréotouristique ; le moulin et la maison du meunier sont destinés à être rénovés dans les années à venir pour y accueillir un bistro, une aire de restauration, une aire d’exposition, une terrasse extérieure et l’accueil du Parc régional du Domaine seigneurial de Mascouche.
Que certains chercheurs émettent l’hypothèse que le moulin et la maison du meunier datent de 1765-1766 ou que les bâtiments actuels aient été construits vers 1846, ceux-ci demeurent un exemple de l’adaptation d’une entreprise familiale à l’approche du XXe siècle. De plus, ces bâtiments continuent à témoigner de leurs précurseurs tant par la fonction qu’ils remplissaient jusqu’en 1930 que par l’évocation de l’ancienne époque seigneuriale de Mascouche.
Dès 1933, la Commission des monuments historiques du Québec évalue la possibilité de classer le manoir de Mascouche parmi les monuments historiques de la province. Au cours des décennies suivantes, les citoyens, les organismes, le monde des affaires et les politiciens se mobilisent afin de mettre en valeur et de sauvegarder le patrimoine du Domaine seigneurial de Mascouche. Malheureusement, aucune demande ou action n’a été retenue depuis cette époque afin que le riche patrimoine du Domaine soit protégé. En 2019, la Ville de Mascouche adopte un règlement qui a pour but la citation d’une partie du Domaine comprenant le manoir, le moulin, la maison du meunier, les jardins et la piscine. Ce règlement permet de reconnaître et de préserver le caractère patrimonial du site. Mais, le 16 novembre 2020, à la suite d’un rapport du Service de prévention des incendies de la Ville de Mascouche faisant état d’enjeux de sécurité importants, le manoir seigneurial doit, hélas, être démoli.
Après la démolition, les membres de la Société d’histoire de Mascouche se sont concertés et ont obtenu l’appui massif d’organismes et d’acteurs majeurs en patrimoine bâti du Québec, en vue de déposer une demande de classement du moulin et de la maison du meunier. Cette demande, adressée au Registraire du patrimoine culturel du Québec, vise à obtenir du ministère de la Culture et des Communications la reconnaissance formelle de la valeur patrimoniale de ces bâtiments et d’en assurer la protection. En plus d’établir un plan de conservation des bâtiments, le classement assurerait la protection de ces lieux pour les générations futures. Cette demande, déposée à la mi-décembre 2020, est toujours à l’étape de l’évaluation et la Société d’histoire de Mascouche n’a reçu aucune nouvelle à ce jour. Ce genre de demande étant traitée dans un délai d’environ six mois, la réponse devrait arriver vers le mois de juin ou de juillet 2021. Les membres de la Société d’histoire de Mascouche l’attendent avec impatience.
Pour conclure, nous citerons le passage d’une lettre d’appui au projet de classement, signée par l’Association des Moulins du Québec :
« La très grande majorité des moulins à eau du Québec abritaient le meunier et sa famille dans les appartements à même le moulin. Les moulins à vent, de taille beaucoup plus modeste, ne pouvaient pas contenir de logements pour le meunier à l’intérieur de leurs murs, c’est pourquoi en général le complexe du moulin comportait une petite maison modeste appelée « maison du meunier ». À Mascouche, nous retrouvons l’une des très rares maisons de meunier associées à un moulin à eau au Québec même si l’intérieur est pratiquement détruit, elle demeure quand même un bâtiment significatif à l’échelle de la province. La grande région métropolitaine est assez richement dotée de moulins à vent, mais il en va tout autrement pour les moulins à eau, ce qui confère une grande importance à celui de Mascouche. Non seulement doit-il être protégé mais il est indispensable que l’intégrité architecturale du bâtiment soit préservée. »
NDLR : La Lucarne informera son lectorat du résultat de la demande de reconnaissance soumise par la Société d’histoire de Mascouche.
Article tiré de La Lucarne – Été 2021 (Vol XLII, numéro 3).
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