Le Moulin Bleu, un patrimoine en quête de vocation

Le Moulin Bleu, un patrimoine en quête de vocation

21 août 2022

Clément Locat

Le Moulin Bleu - vue côté rivière.

Le Moulin Bleu est situé le long de la rivière Saint-Esprit, à Saint-Roch-de-l’Achigan. L’implantation de moulins a profité de la présence de deux rivières qui sillonnent son territoire : la rivière de l’Achigan qui traverse la municipalité d’ouest en est et la rivière Saint-Esprit située à sa limite nord. C’est ainsi qu’au cours du dernier quart du XVIIIe siècle et au XIXe siècle, six moulins à farine, à sciage et à cardage de la laine ont été érigés sur les rives de ces deux cours d’eau. Le premier de ces moulins est apparu sur le domaine seigneurial en 1771, avant même la création de la paroisse.

Un peu d’histoire

Vue de la structure à l’intérieur du moulin.Le Moulin Bleu aurait été construit vers 1860. La date et le nom du bâtisseur du moulin demeurent inconnus malgré de nombreuses recherches ; la construction par la Famille St-André, dont le nom est associé à ce moulin dans un contrat signé en 1881, est plus que plausible car cette famille était déjà propriétaire d’autres moulins sur le territoire de Saint-Roch-de-l’Achigan. Le moulin a été en activité continue de sa construction jusqu’à la fin de l’année 2019.

En 1884, le premier propriétaire, Aldéric St-André, fait don à son fils Loric de la pointe de terre sur laquelle est érigé le moulin ; ce dernier l’exploite jusqu’en 1925, année où il le cède à son fils Odilon.

Odilon St-André exploite le moulin jusqu’en 1941 et le vend à son beau-frère, Rémi Henri ; ils étaient mariés aux sœurs Berthe et Évelyne Beaudry. Rémi Henri lègue le moulin en 1958 à son fils, Jean-Marc, qui le vend dès 1959 à sa sœur, Marielle, épouse d’Angelbert Lafortune.

À la suite du décès de son conjoint en 1963, Marielle Henri poursuit seule les opérations qu’elle diversifie en développant graduellement les activités meunières, particulièrement dans la production de farines artisanales. Pour des raisons de santé, elle vend le moulin en 1977 à son fils, Sylvain, qui l’exploite avec son épouse, Lucie Lebeau, jusqu’à la fin de l’année 2019. Le moulin est connu pour sa farine de sarrasin vendue sous l’appellation Moulin Bleu dans les grandes surfaces, à travers tout le Québec.

Architecture du moulin

Meules couvertes par la jupe de bois, la trémie et la potence derrière les meules.Le Moulin Bleu est représentatif des premiers bâtiments industriels implantés dans la vallée du Saint-Laurent. Son architecture s’inspire du modèle de la maison québécoise. Sa structure originale, longue de 15 m et large de 9 m, est constituée de forts colombages assemblés à tenons et à mortaises à la manière d’une grange et dotée d’une toiture pentue à deux versants avec chevrons et entraits. Cette toiture munie de larmiers incurvés a été couverte de planches initialement imperméabilisées de bardeaux de cèdre remplacées ultérieurement par de la tôle d’acier. Les murs sont couverts de larges planches de pin, posées à la verticale et peintes à l’ocre, un parement toujours observable sur la façade adossée à la rivière. Le bâtiment est éclairé par de nombreuses fenêtres à battant à six carreaux disposées de façon asymétrique.

L’ensemble de la structure, posé sur une haute fondation en pierres des champs est assis sur le lit rocheux de la rivière Saint-Esprit et compte quatre étages. De la période de sa construction jusque vers 1892, date de construction de la maison qui jouxte le moulin, le bâtiment a servi tant aux activités de mouture qu’au logement de la famille du meunier. La section située à l’ouest était occupée par les activités du moulin proprement dites tandis que la partie est, où se trouvait à l’origine une cheminée de pierre, était habitée au rez-de-chaussée et à l’étage par le meunier.

Vue du bluteau.Du lit de la rivière vers le haut, on trouve quatre étages : le niveau de la prise d’eau, des turbines et du canal de fuite ; l’étage des mécanismes de transmission de la puissance vers les équipements ; le niveau du sol abrite l’équipement de mouture : cribles, meules, bluteau et équipements d’ensachage ; le dernier étage, sous les combles, sert à l’entreposage de farines dans des bennes et au rangement d’équipements divers.

À compter des années soixante, la diversification des opérations, notamment par la vente de produits agricoles et le séchage de céréales, a amené l’installation de nouveaux bâtiments et équipements — silo, séchoir à grains, entrepôt — qui sont construits en façade sur rue et en prolongement du moulin existant. L’arrière, situé en bordure de la rivière, n’a cependant subi que de légères modifications.

L’avenir du moulin

La Société d’histoire de Saint-Roch-de-l’Achigan se préoccupe de l’avenir de ce moulin depuis plusieurs années car il s’agit du tout dernier moulin parmi l’ensemble de ceux construits sur le territoire de la municipalité ; c’est également l’un des derniers moulins exploités au Québec par un propriétaire privé. La Société d’histoire a donc incité la municipalité à procéder en 2013 à la citation du Moulin Bleu au Répertoire du patrimoine culturel du Québec. Depuis l’arrêt des opérations, la Société multiplie les démarches auprès de diverses instances et du propriétaire afin de lui trouver une nouvelle vocation favorisant sa mise en valeur comme meunerie artisanale associée à des activités connexes.


Le 24 juin 2022, la meunerie artisanale est désignée comme élément du patrimoine immatériel du Québec pour ses valeurs ethnologique, historique et technologique, ainsi que pour son intérêt public.


Article tiré de La Lucarne – Automne 2022 (Vol XLIII, numéro 4).

© APMAQ 2022. Tous droits réservés sur l’ensemble de cette page. On peut reproduire et citer de courts extraits du texte à la condition d’en indiquer l’auteur et la source, mais on doit adresser au secrétariat de l’APMAQ toute demande de reproduction de photos ou du texte intégral de cette page.


  Retour

Avant de naviguer sur notre site, veuillez accepter notre politique de confidentialité.