La Pointe-aux-Alouettes

6 juillet 2023

Diane Jolicoeur

La Pointe-aux-Alouettes est située au confluent du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saguenay, dans la municipalité de Baie-Sainte-Catherine. Il s’agit d’un site patrimonial reconnu depuis 2008 en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel.

La Pointe-aux-Alouettes regroupe un ensemble de bâtiments : une chapelle construite en 1875, deux maisons reliées par un passage couvert et une maison isolée bâties à la fin du XIXe siècle, ainsi que trois dépendances. Tous les bâtiments sont en bois. Un cimetière aménagé vers 1865, deux monuments religieux et un kiosque commémoratif construit en 1914 complètent l’ensemble. La protection légale s’applique aux terrains, aux monuments, au kiosque ainsi qu’à l’enveloppe extérieure des bâtiments.

Origine historique

Maison de Pierre Boulianne vers 1880L’endroit est fréquenté depuis longtemps par les Amérindiens qui y accueillent Champlain et Gravé Du Pont en 1603. Le kiosque commémoratif, bâti en 1914, rappelle leur alliance, la première entre les Français et les Autochtones ; celle-ci a favorisé le peuplement et le commerce en Nouvelle-France.

Au XVIIe et au XVIIIe siècles, le lieu est fréquenté par des pêcheurs ainsi que des chasseurs de loups-marins et de bélugas. Vers 1845, William Price fait construire un moulin à scie sur la Rivière-aux-Canards, favorisant ainsi la formation de hameaux. Une chapelle est érigée, puis malheureusement incendiée, en 1855. Elle était située à l’entrée de la Pointe-aux-Alouettes. Un cimetière est aménagé et la première sépulture date de 1865. Une seconde chapelle est construite à proximité en 1875, suivie de résidences dans le dernier quart du XIXe siècle. En 1908, le noyau religieux se déplace pour accommoder de nouveaux employés. La même année, le site de la Pointe-aux-Alouettes est acquis par le Séminaire de Chicoutimi qui en fait un lieu de repos pour les religieux du diocèse.

L’achat des terrains par le gouvernement du Québec en décembre 2018 pourrait changer la donne. La Municipalité de Baie-Sainte-Catherine et la MRC de Charlevoix-Est en étant maintenant les gestionnaires, la décision a été prise de redonner une certaine attention touristique à la Pointe.


Histoire des Boulianne

Vital Boulianne (1802 — après 1884) a épousé Angèle Duchêne (1803-1884) à La Malbaie le 9 novembre 1824. Ils eurent neuf enfants dont Pierre Boulianne (1831-1919) qui a épousé Sophie Tremblay en 1856 ; elle a donné naissance à 11 enfants, dont William né le 22 octobre 1879 et décédé en 1950. Ce dernier a épousé Marie-Louise Gauthier à Baie-Sainte-Catherine. Il était gardien de phare à L’Islet d’avril à décembre, et habitait sa maison à la Pointe-aux-Alouettes durant l’hiver. Lorsque le site a été vendu au Séminaire de Chicoutimi en 1908, Pierre Boulianne a emménagé dans une maison du village, plus près de la nouvelle église.

La résidence à l’autre extrémité du site était celle de Joseph Ouellet (1857-1958) dont la mère, Marie Boulianne, était la sœur de Pierre Boulianne et la première personne enterrée dans le petit cimetière de Saint-Firmin. Joseph était donc le neveu de Pierre Boulianne, et mari de Delvina Dion. Il a déménagé à Tadoussac où il a travaillé à la pisciculture de l’endroit. Il est revenu vivre à Baie-Ste-Catherine vers la fin de sa vie, puis est décédé à Saint-Tite-des-Caps.


Valeur architecturale

Le site présente un intérêt patrimonial, car il témoigne des formes en vogue dans le bâti rural de la seconde moitié du XIXe siècle. La chapelle, seul bâtiment tourné vers l’est et qui n’est pas orienté vers la baie, a des dimensions modestes (40 pieds x 25 pieds), un plan rectangulaire et une façade sobre. Son toit est à deux versants droits, avec le clocher sur l’avant du faîte. Le parement est en planches à clins, et la couverture en bardeaux. Le portail est doté d’une porte à panneaux et à double vantail ainsi qu’une imposte vitrée et s’ouvre sur un petit perron posé directement sur le sol, sans parvis. Les fenêtres rectangulaires sont à petits carreaux. L’ornementation est constituée essentiellement de chambranles et de planches cornières. Le décor intérieur de l’église est en grande partie d’origine. La première cloche, installée en 1880, provenait du phare de l’Îlet-aux-Morts. Elle a été remplacée par une plus grosse cloche en 1889. Cette dernière se retrouve aujourd’hui dans l’église Saint-Firmin de Baie-Sainte-Catherine.

Les résidences présentent des caractéristiques répandues dans l’architecture domestique : des galeries couvertes en façade et une disposition symétrique des ouvertures. Leur élévation de deux étages comprend le toit mansardé, l’annexe latérale, les parements en bois, et la couverture en tôle profilée avec lucarnes à pignon. L’ensemble est en réalité composé de deux maisons reliées par un passage couvert, soit la maison Boulianne et l’ancien presbytère construit en 1905 puis rallongé par la suite. La façade principale, avec sa grande galerie près du sol, donne sur la baie Sainte-Catherine, sans lien avec le sentier menant au domaine qui longe la façade arrière. Ce sont des maisons à ossature de bois. Les fenêtres à battants en bois à six carreaux semblent d’origine. Le revêtement extérieur se compose de planches à feuillure (à gorge) peintes en blanc avec des planches cornières rouges. Le pignon de la maison Boulianne est orné d’une frise de bois découpée. Des annexes en partie arrière complètent la volumétrie de cette maison influencée par le style Second Empire.

La façade principale de la maison Ouellet donne également sur la baie Sainte-Catherine. Elle tourne ainsi le dos au sentier et à l’église. Elle est composée d’un volume simple, surmonté d’un toit mansardé à quatre versants recouvert de tôle profilée, et dotée de lucarnes à pignon. Un revêtement de masonite peint en jaune recouvre les façades. Une grande galerie couverte s’ouvre vers la baie. Tout comme sa voisine, la maison adopte le style Second Empire. Les bâtiments font partie d’un seul ensemble, sans délimitation, orientation et organisation particulières.

Les dépendances, quant à elles, sont représentatives des bâtiments paradomestiques du tournant du XXe siècle par leur plan simple, leur toit à deux versants droits, leur parement en planches verticales, la couverture en tôle ainsi que les ouvertures peu nombreuses.

Le kiosque présente des caractéristiques de l’époque, dont le plan octogonal, la galerie couverte ceinturant le bâtiment, les chambranles menuisés, les planches cornières et le mât, ainsi que le parement en planches à clins. Les fenêtres rectangulaires à guillotine comprennent quatre grands carreaux.

Le cimetière catholique est ouvert à partir de 1865, avant même la construction de l’église voisine une décennie plus tard. Il est aménagé dans une clairière sur un terrain dégagé, ponctué d’alignements de monuments funéraires sobres en bois et en métal. Une clôture métallique ceint cet ancien lieu de sépulture. Plusieurs membres de la famille Boulianne y sont enterrés. Lorsque le village est déplacé au début du XXe siècle, un second cimetière est ouvert près du nouveau lieu de culte. Le cimetière de Saint-Firmin est restauré en 1979 et les monuments en bois sont refaits d’après les originaux.

Le domaine de la Pointe-aux-Alouettes constitue un témoin important de l’histoire de Baie-Sainte-Catherine. Aujourd’hui, les traces des moulins, de l’ancien quai, des infrastructures industrielles, des fascines et des premières implantations agricoles sont, pour la plupart, toutes disparues. Le domaine constitue, en quelque sorte, les derniers vestiges d’un passé tourné vers l’industrie forestière, l’agriculture et les pêcheries. Même s’il est composé de deux bâtiments à caractère privé (maisons Ouellet et Boulianne), le site revêt un caractère public étant donné la présence de l’église et du cimetière. L’accès restreint au site et les perspectives visuelles limitées vers celui-ci accentuent toutefois le caractère privé du secteur. Il est donc d’autant plus important de sauvegarder ces précieux témoins du passé charlevoisien.


Article tiré de La Lucarne – Été 2023 (Vol XLIV, numéro 3).

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