L’APMAQ maintient son engagement dans la recherche de solutions pérennes aux enjeux d’assurabilité des constructions anciennes. En effet, l’APMAQ s’engageait déjà dans ce dossier à la suite du dépôt, en 2004, d’un rapport réalisé par la Commission des biens culturels du Québec (l’ancêtre du Conseil du patrimoine culturel du Québec). Elle en assumera un certain leadership afin de répondre à l’une de ses conclusions : établir un rapprochement entre les intervenants en patrimoine bâti et l’industrie de l’assurance de dommages.
Au fil des ans, l’APMAQ a établi et maintenu un canal de communication avec le Bureau de l’assurance du Canada (BAC), l’organisme représentant les assureurs. Nous avions l’opportunité d’échanger sur les obstacles à l’assurabilité des maisons anciennes et les pistes de solution. Or, jusqu’à maintenant, ces dernières semblent toujours se buter non seulement à des enjeux de profitabilité, mais surtout à des questions de priorité.
Mais, les temps changent! Ou plutôt, le temps… L’accélération des changements climatiques a poussé les assureurs à durcir davantage leurs exigences pour ce qui est des mesures préventives ainsi que leurs critères d’accessibilité. Dans le contexte actuel, ces décisions exposent un paradoxe plaçant l’industrie de l’assurance en porte-à-faux avec les initiatives globales en matière de protection environnementale. D’un côté, elle sonne l’alarme sur les impacts des changements climatiques, de l’autre, elle encourage (voire exige) de leurs assurés un comportement qui exacerbe cette même problématique : la surconsommation.
En voulant réduire les risques de perte, exacerbés par des événements climatiques dont les dommages sont de plus en plus coûteux, l’industrie oblige le propriétaire à remplacer à neuf certaines composantes architecturales se basant sur des estimations de durée théorique de vie utile et qui n’ont pas de lien avec l’état réel de la maison, entraînant un préjugé défavorable, en raison de leur âge, de composantes qui sont pourtant en bon état.
Le niveau d’entretien des composantes visant à en augmenter la durabilité et à maximiser leur qualité intrinsèque (isolation, étanchéité, etc.) a peu d’influence sur l’acceptabilité des risques ou sur la tarification. Les assureurs privilégient des composantes neuves pour deux raisons : bénéficier des dernières avancées technologiques et bénéficier de la garantie du fabricant et de l’installateur qui assumeront une grande partie des pertes résultant de la qualité du produit ou de la malfaçon intervenue lors de l’installation.
Bien que plusieurs entrepreneurs proposent des produits conçus à partir de matières recyclées à divers degrés, la restauration des composantes demeure le choix le plus écologique afin de réduire la quantité de résidus de la construction et de la démolition destinés à l’enfouissement. La restauration permet aussi de diminuer la surexploitation des ressources naturelles nécessaires à la fabrication de nouveaux matériaux, souvent peu durables, ainsi que l’impact environnemental des processus de fabrication. L’empreinte écologique de matériaux comme le pvc et l’aluminium est supérieure à celle de matériaux traditionnels comme le bois ou la pierre. À quelle vitesse est éliminé le cadrage d’une fenêtre de bois par rapport au cadrage de pvc ? Est-il revalorisé ou recyclé ?
Faire installer une composante par celui qui la vend offre une garantie supplémentaire. Cette garantie pourrait s’avérer plus nécessaire qu’il n’y semble puisque le nouveau et l’ancien ne se marient pas toujours bien. On peut appeler cela le « risque de remplacement ». La composante nouvelle et standard s’ajuste mal aux particularités de l’ancien. Elle a moins de flexibilité, elle ne bouge pas avec les autres composantes de la maison. C’est parfois exactement au moment où on répond enfin aux règles de souscription que le dommage survient par une mauvaise adéquation du nouveau avec l’ancien. Ces dommages seront couverts, mais quel désastre !
Le sondage réalisé par l’APMAQ en 2022 auprès des propriétaires de maisons anciennes du Québec révèle que les composantes spécifiques telles que la toiture, les fenêtres, l’isolation ou la plomberie figurent parmi les principaux obstacles (pour 19% des répondants) à l’assurabilité d’une propriété. L’admissibilité aux couvertures d’assurance selon les caractéristiques de composantes est régie par les règles de souscription d’un assureur. Les règles de souscription sont des directives qui distinguent ce qui est assurable de ce qui ne l’est pas. Elles portent notamment sur la date de construction, l’emplacement, les caractéristiques de la propriété et sur les composantes du bâti. Bien qu’elles varient d’une compagnie d’assurance à l’autre, et même d’un produit d’assurance à un autre, elles présentent une relative homogénéité, entre autres concernant la durée de vie des composantes du bâtiment.
Il est sûr que la mise aux normes de la plomberie ou de l’électricité n’est pas remise en question dans la prévention des risques et que, en autant que possible, ces composantes devraient toujours être à jour. Cependant, qu’en est-il des caractéristiques patrimoniales des fenêtres, des portes ou des particularités d’une toiture ancienne ? Pour accorder certaines couvertures les assureurs demandent un remplacement fréquent de ces composantes se fondant, non pas sur leur état, mais sur leur âge. Pour un assureur, les fenêtres devraient être remplacées lorsqu’elles ont 25 à 30 ans, alors que la durée de vie d’une fenêtre traditionnelle entretenue est évaluée à 100 ans ou plus. Ainsi, une fenêtre remplacée par un modèle contemporain le serait 4 à 5 fois pendant la vie d’une fenêtre d’un modèle ancien. Les toitures de métal (aluminium, acier ou cuivre) peuvent, elles aussi, être conservées pendant une centaine d’années ; or, l’assureur ne couvrira les dommages que pour les 50 premières années.
Le Comité des assurances de l’APMAQ a d’ailleurs reçu plusieurs témoignages concernant les demandes de remplacement de composantes en parfait état de la part des assureurs. Les propriétaires se font recommander de choisir des matériaux contemporains dits « sans entretien ». Plusieurs sont hésitants car ils souhaitent conserver le cachet ancien de leur maison mais désirent une couverture d’assurance complète.
Chaque remplacement présente un risque de perdre les caractéristiques patrimoniales d’un édifice. En effet, le cadrage qui entoure la fenêtre ou la porte sera-t-il réinstallé ou simplement retiré avec l’ancienne composante ? Les riches corniches anciennes ou les dentelles de bois seront-elles réintégrées à la suite du remplacement de la composante ancienne ? L’originalité du décor patrimonial risque de prendre le chemin du site d’enfouissement. De toute façon, il fallait agrandir légèrement l’ouverture pour accueillir la nouvelle porte par un modèle aux dimensions standardisées. Le cadrage ne pouvait être réinstallé, comprenez-vous ? Ainsi, un remplacement à la fois, s’effrite la richesse patrimoniale et les spécificités des lieux.
Enfin, que dire de la difficile transmission de la connaissance des gestes d’entretien qui se perdent ? Si on ne peut entretenir une composante, on ne peut montrer à la prochaine génération comment s’y prendre pour la conserver. Inévitablement, il y a une perte des savoir-faire d’une génération à une autre.
Il est temps que l’assurance prenne une nouvelle direction. L’assureur doit être responsable de l’impact de ses décisions sur l’environnement et sur le cadre bâti patrimonial.
Les règles de souscription doivent refléter l’état réel de la propriété. Une composante âgée et bien entretenue doit donner droit à l’ensemble des garanties. L’entretien et la réparation sont des gestes de prévention du risque qui doivent être valorisés par l’assurance. Une inspection par un évaluateur expert en bâti ancien devrait être la base de l’assurabilité. En conséquence, les couvertures d’assurance seraient octroyées en fonction d’une évaluation juste du risque qui n’est donc pas fondée sur des projections théoriques mais sur l’état réel d’un édifice.
Cette nouvelle approche permettrait de valoriser le remplacement par des matériaux anciens et durables. Ceux-ci demandent de l’entretien et favorisent les réparations permettant une durée de vie plus longue des ressources. Il faudra reconnaître l’importance de l’économie de l’entretien par les propriétaires, les artisans et la main-d’œuvre qualifiée. Les artisans doivent eux aussi avoir accès à une police d’assurance professionnelle adéquate.
Les assureurs doivent faire partie des alliés du cadre bâti ancien en valorisant l’entretien comme un geste de diminution du risque et comme une contribution importante à la réduction de l’impact environnemental du domaine de la construction.
Les propriétaires qui ont à cœur la préservation de leur bâtiment ancien et qui assurent, sans relâche, son entretien pour le bénéfice des futures générations sont des exemples à suivre et leurs efforts devraient se refléter favorablement dans l’offre d’assurance. Il est temps de passer de la sensibilisation bienveillante à l’action concertée pour le bénéfice actuel de tous et pour celui des générations futures.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2024 (Vol XLV, numéro 2).
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