La restauration de bâtiments d’un autre âge, quels qu’ils soient, présente beaucoup d’exigences : la connaissance du bâti ancien, le choix de conserver le maximum des matériaux d’origine et l’aspect ancien du bâtiment tout en prolongeant sa durée de vie. Le patrimoine agricole omniprésent dans nos régions est souvent constitué de bâtiments d’une certaine ampleur pour lesquels les spécialistes ne sont pas légion. Un de nos membres, Arthur Plumpton, résident de l’Ile d’Orléans, nourrit une passion pour ce type de patrimoine et se consacre à sa préservation depuis plusieurs années.
En matière de restauration de bâtiments patrimoniaux, l’approche préconisée au XIXe siècle par l’architecte français Eugène Emmanuel Viollet-le-Duc, demeure d’une grande sagesse. Il s’exprime comme suit: « Le meilleur moyen pour conserver un édifice, c’est de lui trouver une destination, et de satisfaire si bien à̀ tous les besoins que commande cette destination qu’il n’y ait pas lieu d’y faire des changements. » Alors, quelles destinations chercherons-nous pour nos bâtiments du patrimoine rural les plus représentatifs, dont plusieurs milliers sont abandonnés depuis les dernières décennies du XXe siècle? Quelles sont les difficultés et comment devrait-on les résoudre? Ce sont là les deux sujets abordés dans cette brève vue d’ensemble. Il y a une vingtaine d’années, j’ai eu la chance de rencontrer un charpentier d’ossatures traditionnelles en bois massif, M. Berthier Guay de la Beauce, figure rare au Québec. Ensemble, nous avons entrepris la restauration de deux dépendances agricoles attenantes à notre maison datant de la période de la Nouvelle-France sur l’île d’Orléans, notamment une vieille grange (photo 1) de style français (35 x 31 pieds, sans étable) et un fournil du milieu du XIXe siècle (18 x 25 pieds) transformé vers 1917 en porcherie et ensuite en hangar vers 1950 (photo 2). Le bilan de santé d’un bâtimentLa charpente est un élément crucial des constructions anciennes. Elle définit la volumétrie du bâtiment, assure la stabilité de celui-ci et contribue à définir son style architectural. On ne peut donc entreprendre des travaux de restauration ou de réaménagement d’un bâtiment ancien sans l’analyser et prendre acte des changements qu’il a subis avec le temps. Avant toute intervention en restauration, une lecture de la santé du bâtiment s’impose. Une première démarche consiste à examiner, à la manière d’un médecin, l’extérieur du bâtiment (l’intégrité de la forme du toit, l’inclinaison des murs, la condition des ouvertures, les parements et le solage). L’extérieur témoigne de l’intérieur. La méthodologie et les tableaux d’une analyse de santé ont été développés lors de nos récents travaux sur les granges de l’île d’Orléans. Ils sont disponibles sur demande auprès de l’auteur. Un premier tableau dresse une description du bâtiment (adresse, typologie architecturale, âge présumé et réel, fonction, localisation sur la ferme, modifications connues, caractéristiques, type de structure, nature des matériaux et des assemblages [mortaise-tenon, mi-bois, clouage]. Une évaluation détaillée fait partie d’un deuxième tableau, avec cotes de 1 [bien] à 5 [restauration urgente], qui comprend des éléments de recouvrement [toiture, parements, ouvertures], de quelques douzaines d’éléments structuraux du carré [solage et ossature], de la charpente du toit et des assemblages. Le tout est suivi d’observations générales et de prévisions de réhabilitation. Jusqu’à maintenant, une vingtaine de bâtiments agricoles ont été étudiés. Le cas de deux bâtiments agricoles - les problèmes structurels et les mesures correctivesLa pourriture des éléments de l’ossature de bois proches du sol, le mauvais état des solages en pierre et en mortier et l’inclinaison du bâtiment sont souvent les premiers problèmes à régler (photo 3). Un tel bâtiment pourrait être soulevé légèrement à ses coins avec un vérin et des poteaux de support pour faciliter la restauration soit de la sole, du solage en maçonnerie, de l’extrémité des poteaux abîmés par l’humidité ou par les contraintes physiques, des parois inférieures ou des contreventements de l’ossature. Les restaurations sont effectuées de préférence avec des matériaux d’origine et avec les assemblages traditionnels sauf pour des joints nécessitant des plaques en acier, souvent rendues non visibles (photo 4). Parfois des modifications antérieures ou des échecs d’entretien et de restauration affaiblissent la structure, imposant des interventions ultérieures. Dans plusieurs cas, la charge lourde de neige et de glace sur le toit et les grands vents dégradent le recouvrement du toit, permettant des infiltrations d’eau qui endommagent la charpente, provoquant le bris des sablières, des chevrons, des pannes ou des assemblages. L’arrivée, au début du XXe siècle, de la grande fourche à foin, glissant sur rails, a grandement facilité l’entreposage dans les combles du fourrage amassé au champ dans des charrettes et sa distribution au bétail par la suite. Cette innovation a engendré l’enlèvement des entraits retroussés de la charpente du toit et des jambes de force, affaiblissant ainsi la structure de plusieurs granges au Québec. Au cours des années, d’autres modifications des structures internes de ces bâtiments agricoles comme l’enlèvement des tirants et contreventements, l’entaillage des solives, la coupe des chevrons ont été effectués par les propriétaires pour satisfaire aux nouvelles fonctions. Selon l’étendue du dommage, des restaurations doivent être entreprises pour stabiliser la structure. Le but de toutes les restaurations est d’intervenir le moins souvent possible et d’utiliser des poutres et des planches récupérées sur d’anciens bâtiments. Des idées neuves pour restaurer l’ancien - Quelques approches inéditesLes deux restaurations (photos 5 et 6) nous ont permis de tenter des approches originales. Quelques parois extérieures anciennes des deux bâtiments ont été doublées par une deuxième rangée de planches verticales et un système d’évacuation d’eau d’infiltration a été posé dans l’interstice. D’ailleurs, des planches anciennes abîmées ont été conservées et réhabilitées par sablage et application d’époxy de bois. Des solages en maçonnerie de nos deux bâtiments ont été légèrement rehaussés pour éviter la dégradation des sols. Les planches neuves des parements en bois d’épinette commandé à un marchand spécialisé (LINÉAIRE Écoconstruction) de L’Islet ont été taillées de façon traditionnelle [trapézoïdale]. Des copies de clous anciens forgés pour le montage ou le remontage des parois ont été trouvées à prix compétitif chez un fabricant de Boston (É.-U.). Le soin apporté lors de la restauration des bâtiments agricoles peut être payant. Des études menées en 1998 de l’Université du Wisconsin et du groupe américain « Barn Again » ont démontré que le coût moyen d’une construction neuve était souvent deux fois plus élevé que le coût de la restauration et de la réhabilitation d’un bâtiment ancien. |
|
Article tiré de La Lucarne – Été 2024 (Vol XLV, numéro 3).
© APMAQ 2024. Tous droits réservés sur l’ensemble de cette page. On peut reproduire et citer de courts extraits du texte à la condition d’en indiquer l’auteur et la source, mais on doit adresser au secrétariat de l’APMAQ toute demande de reproduction de photos ou du texte intégral de cette page.
450 661-6000 Suivez-nous |
Accès rapide
Calendrier des activités Responsable de la protection des renseignements personnels
|
Nous remercions le gouvernement du Québec pour son soutien financier |
© 2025 APMAQ (Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec) | Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec
En cliquant sur « Accepter », vous acceptez le stockage de témoins (cookies) sur votre appareil pour améliorer les performances de notre site Web et recueillir certaines statistiques de fréquentation via Google Analytics. Le respect de votre vie privée est important pour nous, nous ne collectons aucune donnée personnelle sans votre consentement.
Plus d'informationsEn cliquant sur « Accepter », vous acceptez le stockage de témoins (cookies) sur votre appareil pour améliorer les performances de notre site Web et recueillir certaines statistiques de fréquentation via Google Analytics. Le respect de votre vie privée est important pour nous, nous ne collectons aucune donnée personnelle sans votre consentement.