Une cuisine remise au goût du jour... d’il y a 200 ans

20 juillet 2024

Évelyne Bouchard et Jean Merrette

Plus tôt ce mois-ci, Évelyne Bouchard et Jean Merrette, des passionnés d’histoire et de patrimoine, ont ouvert la porte de leur résidence aux membres de l’APMAQ dans le cadre des traditionnelles Visites du dimanche de l’association. Leur maison, datant de la fin du XVIII^e siècle, est située dans le secteur du Grand-Bois-de-l’Ail, non loin de la rivière Jacques-Cartier, à Cap-Santé, un village de la rive-nord du fleuve Saint-Laurent, dans la région de la Capitale-Nationale, connu comme l’un des plus beaux villages du Québec. Pour le bénéfice des lecteurs de La Lucarne et pour les personnes qui n’ont pu participer à la visite, le couple a bien voulu raconter, par étapes, le déroulement du réaménagement de sa cuisine.

En 2021, quand nous avons fait l’acquisition de notre ancestrale, nous savions déjà que l’aménagement de la cuisine serait dans nos projets. Étant donné que la maison a été construite en 1795, nous souhaitions aller vers le style de cette époque (1790-1820). Bien sûr, nous sommes dans les années 2020 : il faut penser cuisinière, réfrigérateur, eau courante, micro-ondes et compagnie.

On aime aussi les grandes surfaces pour cuisiner. Après avoir établi nos besoins contemporains, nous nous sommes lancés dans de la recherche historique pour trouver les équivalents à l’époque choisie. Nous souhaitions une « vraie » cuisine ancienne dans son aménagement et non une cuisine au goût du jour réalisée avec des matériaux, des techniques et un style ancien. Et, comme nous savions déjà que les comptoirs sur armoires basses surmontées d’autres sont arrivés dans nos maisons quasiment 100 ans après nos dates de référence, cela aussi a été rejeté rapidement comme idée. Puis, nous avons mis de côté nos préjugés actuels à propos des cuisines anciennes, ne pouvant croire que les femmes d’autrefois ont pu cuisiner pour autant de monde sans que ce soit commode!

Recréer la division de l’ancienne laiterie

Des traces sur les poutres et les trois inventaires de la maison dénichés à BAnQ (Bibliothèque et Archives nationales du Québec) nous indiquaient la présence d’une ancienne laiterie. Nous avons alors eu l’idée de recréer cette division pour y placer les électroménagers et autres modernités. Malheureusement, des rénovations de l’ancien propriétaire ne nous ont pas permis de disposer le mur au même endroit. Tout en conservant le principe que la « laiterie » soit au nord (pour assurer une certaine fraîcheur), nous avons reconstruit la division perpendiculairement à l’originale. Une simple cloison de bois, avec porte, comme on en retrouve ailleurs dans la maison. Simple à réaliser et sans grand frais.

Des traces de l’ancienne « pantry »

Après avoir retiré armoires et comptoirs de la cuisine telle qu’elle était lorsque nous avons acheté la maison, nous avons poursuivi le déshabillage du mur et constaté, à l’aide des emblèmes de la compagnie, que les panneaux de gypse qui se trouvaient dataient entre les années 1937 et 1959. Plus loin, derrière le gypse, nous avons trouvé les traces de l’ancienne
« pantry » des années 1890-1920. Le lambris de bois qui était encore en bon état a été conservé et mis en valeur. Aux endroits où il était trop endommagé ou disparu, nous l’avons recouvert d’un nouveau lambris semblable. Ainsi, derrière, tout est encore là si jamais quelqu’un souhaitait en faire la restauration dans le futur.

Nous avons aussi ajouté des tablettes sur le mur de lambris d’origine, exactement là où les traces nous suggéraient la présence des anciennes tablettes. Nous avons aussi fait faire des reproductions de plinthes et de cadrages à la suite de la découverte de fragments de pièces originales derrière les murs.

L’espace « cuisine »

À l’extérieur de la « laiterie », nous avons installé une reproduction d’évier sec, raccordée à notre fosse septique et agrémentée d’un robinet installé sur le mur de lambris, le tout facile à dissimuler tout comme les lumières, pour une ambiance vraiment à l’ancienne. Une petite corde à linge en chanvre reçoit nos linges de table, à vaisselle et à main très commodément.

Comme grand îlot de travail : une reproduction de table de l’époque ciblée, à six tiroirs. La hauteur respecte ce qui est mentionné dans « L’art du menuisier en meubles », publié au XVIII^e siècle, pour ce qui est d’une table de travail, même si c’est un tout petit peu plus bas que les comptoirs actuels De toute façon, nous trouvions notre îlot trop haut pour notre confort et nos habitudes. Comme garde-manger : une reproduction d’armoire québécoise. Puis, notre poubelle est dissimulée dans un tonneau de bois et celle à compost dans un pot de grès.

Résultat à la hauteur de nos attentes

Le résultat est réversible et ne porte aucune atteinte à l’intégrité de la maison, surtout que tout le mobilier est autoportant. Cela apporte une ambiance très chaleureuse, tout en demeurant très fonctionnel. En ce qui concerne les coûts de l’opération, ils ont été bien moindres que ce que nous avions calculé pour les travaux de réaménagement de la cuisine moderne de notre maison précédente. Comme quoi, faire une cuisine à saveur historique ça peut être abordable et esthétique tout en offrant les commodités d’aujourd’hui!

Pour en savoir plus sur ce projet et les découvertes lors du déshabillage des murs, voir la liste de lecture « Histo-Rénos » de la chaîne YouTube de la Société d’histoire In Memoriam.

Article tiré de La Lucarne – Été 2024 (Vol XLV, numéro 3).

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